lundi 21 février 2011

Ben Ali, le Picsou de la Tunisie, nouvelle version



Provocation de miliciens islamistes? Ou crime d'un illuminé intégriste? L'assassinat du père polonais Marek Marius Rybinski, retrouvé égorgé et le crâne défoncé chez lui après avoir reçu d'étranges missives antisémites, est dénoncé par l'ensemble des leaders politiques. Y compris le mouvement islamiste Ennadha, don un des dirigeants, Ajmi Ourimi, déclare publiquement: "C'est un crime contre un homme du livre.
Une des chances de la Tunisie nouvelle est de disposer de dirigeants islamistes sophistiqués et ouverts, prêts au compromis. Ce n'est le cas ni en Egypte, ni en Algérie. Mais hélas, Nahda ne couvre pas tout le champs politique islamiste, des groupuscules extrémidtes, formés à l'école djihadiste, polluent le paysage.
Et dans l'après midi de samedi, des milliers de manifestants marchent avenue Bourguiba: "Ni RCD, ni réactionnaires". Quelques centaines au même moment protestent devant l'Ambassade de France contre l'agressivité de Boris Boillon -"N'essayez pas de me faire tomber sur des trucs débiles", le nouvel ambassadeur de France, qui a sur réagi à la question d'une jeune journaliste évoquant le cas de MAM et l'attitude de la France. Le diplomate s'est publiquement excusé, en arabe, à la télévision tunisienne. 
La reconquête de l'opinion française par notre diplomatie est mal barrée. L'après midi de cette manifestation, l'ambassadeur français dit des droits de l'homme, un certain François Zimmeray, n'a rien trouvé de mieux que de traiter Ben Ali dans un entretien au Monde de gangster éclairé. "Ben Ali n'était ni un démocrate, ni un dictateur comme les autres, plutôt une sorte de gangster éclairé".  Une vraie créativité conceptuelle!
Nouvelle bourde au moment où les Tunisiens découvrent à la télé la caverne d'Ali Baba qu'était devenu le Palais de Carthage, la résidence de la Régente de Carthage et de son dictateur préféré: des énormes liasses de dollars, des dollars, des bijoux, de l'or. La bibliothèque n'en était pas une, on est chez Picsou, version Borgia. Extravagant!!!
Les images de ce trésor de guerre passent au journal de France II. Dans le même JT, un long ITV de DSK. Lequel, mais était un grand ami de la Tunisie de Ben Ali. Ce qui lui a été rappelé. Et DSK, sans s'attarder sur sa participation bienveillante aux moindres manifestatins de l'ambassade tunisienne à Paris, a évoqué des déclarations, en décembre dernier, où il estimait que " le chomage des jeunes était une bombe à retardement pour le Maghreb". Quelle clairvoyance!
DSK ne s'est pas étendu non plus sur les rapports et déclarations fort favorables du FMI de DSK sur la Tunisie et qui ont grandement contribué à forge l'image du "miracle économique tunisien", dixit Chirac. Or aujourd'hui, des statisticiens viennent expliquer dans les journaux que les statistiques de croissance, plus 5% par an jusqu'il y a deux ans, étaient totalement tronquées.   
Samedi toujours, dans une grande librairie situé près du Stade de Tunis, cent cinquante tunisiens participent à une séance de signatures de "la Régente de Carthage", en présence de la grande, l'unique et la valeureuse Radhia Nasraoui, qui fut de tous les combats contre le tyran. Des questions innombrables sur la responsabilité française, des photos prises avec moi, des hommages nombreux, chaleureux, excessifs à mes yeux pour ce qui fut juste un travail journalistique normal de Catherine Graciet et moi même. "Ce qui était courageux, ai je expliqué, ce ne fut pas d'écrire ce livre, mais de le lire ici à Tunis, en prenant le risque de le rapporter dans ses valises et d'être arrêté à l'aéroport et malmené". 
Ce qui fut courageux, c'est de venir idci comme journaliste et sous la surveillance des flics de Ben Ali d'enquèter malgré tout. Je n'ai pas pu le faire, étant interdit de Tunisie. Christophe Boltanski à l'époque à Libération, un des journaux à dénoncer le régime, aujourd'hui au Nouvel Obs, l'a fait et l'a payé cher: une agression féroce, en 2005, en plein Tunis à coups de couteaux.
Durant cette manifestation, une jeune tunisienne, Sonia, m'apporte, sous enveloppe, une lettre ouverte "à 'intention de monsieur Nicolas Beau". 
La voici.

"Des tentatives hideuses et ciblées" contre les juifs.

Merci d'être parmi nous en Tunisie, merci pour ces livres dont vous faites, vous et votre collaboratrice cadeau aux esprits libres et éclairés.
je voudrais dire au peuple français 
Je voudrais dire au peuple français et aux peuples du monde entier et j'espère vivement que vous puissiez transmettre mon message. je voudrais dire, en tant que tunisienne, que mon peuple est un peuple pacifique et amical qu'il tend la main à toux ceux qui viennent vers lui, à conditions qu'ils puissent vraiment le respecter.
Ne perdez jamais confiance en lui quoi qu'il puisse arriver.
Comme beaucoup de tunisiens, j'ai été profondément indignée par la monstruosité du meurtre du prêtre polonais et grandement révoltée par certaines manifestations abjectes visant des lieux de culte juif.
Ce ne sont à mon sens que des tentatives hideuses et ciblées, orchestrées 
par quelques esprits sinistres et obscurs et visant à assombrir le tableau politique de notre pays en ce moment de gestation difficile. 
Peut-être espèrent ils aussi, par ces viles manifestations, ramener par une logique simpliste les Tunisiens à regretter "le bon vieux temps" du "protecteur" Ben Ali.
La violence est l'arme des faibles et la patience, la vertu des forts.
Le peuple tunisien qui a eu la force et le courage de se révolter contre l'un des régimes les plus despotiques de l'humanité, aura sans doute la patience de venir à bout e tous les dévergondés qui essaient encore de lui barrer la route qui mène à l'authentique liberté.
                Vive la Tunisie libre
                      Et merci

                             Sonia


                      
  Avoir vingt ans en Tunisie aujourd'hui est le plus bel age de la vie.