samedi 12 février 2011

Grand bonheur d''arriver à Tunis lundi

Avant mon arrivée à Tunis, Michèle Pena, journaliste franco tunisienne, m'envoie quelques questions sur les conditions dans lesquelles nous avons travaillé, Catherine Graciet et moi. J'y réponds volontiers avant mon arrivée lundi à Tunis


-      Leïla Ben Ali avait porté plainte contre vous et Catherine Graciet pour que le livre soit interdit en France. Quels étaient ses arguments pour tenter de faire censurer votre livre ?
-      Votre site Bakchich l'était-il aussi par Amar 404 ?
-      Depuis combien de temps étiez-vous interdit de territoire tunisien ?
-      Comment avez-vous mené vos enquêtes ?
-      Vous allez enfin rencontrer vos lecteurs de Tunisie et ceux qui ne vous ont pas forcément encore lu mais pour qui vous représentez la vérité et le courage. Qu'attendez-vous de ces rencontres ?
-      La presse tunisienne est en ébullition et des débats s'élèvent sur le rôle et même les compétences des journalistes. Comment, vous, définiriez son rôle en général, mais aussi dans la nouvelle Tunisie ?
-      Que pensez-vous de la manière dont la presse française traite de cette révolution ?

1 Leila Ben Ali avait porté plainte contre nous pour atteinte à la vie privée et diffamation.
Elle nous reprochait notamment de l'avoir dépeinte comme un femme de mauvaise vie. Ce qui n'était
pas exactement le cas. Autant nous avions dénoncé ses agissements au Palais de Carthage, sa cupidité, son fonctionnement maffieux  et les avantages indus dont bénéficiait son clan, autant nous avions retracé sa vie avant sa rencontre avec Ben Ali en nous démarquant de certaines rumeurs qui la présentaient comme une prostituée. Disons, en souriant, qu'elle n'avait pas compris 
que notre livre cherchait à réhabiliter son image, du moins dans la première partie de sa vie.

2. Le site Bakchcih était censuré en Tunisie Et ses journalistes interdits de territoire. Y compris
une jeune journaliste débutante qui, en 2007, fut renvoyée de Tunis sans mettre le pied sur le sol
tunisien, alors qu'elle n'avait jamais écrit une ligne sur votre pays.

3. J'étais interdit de Tunisie depuis 1999 et la publication du livre "Notre ami Ben Ali". Puis, j'ai bénéficié, si l'on peut 
dire d'une seconde interdiction de territoire avec la régente de Carthage. Mais j'ai eu aussi la faveur de croiser quelques barbouzes de Ben Ali qui fisaient parfois le gué dans une voiture banalisée près de mon domicile. Nos échanges furent du 
genre brutal

4. J'ai mené mes enquètes surtout par des renonctres avec des Tunisiens de passage ou des exilés. J'avais parfois le sentiment
en ne rencontrant que des opposants d'avoir été trop sévère avec le régime. Ce qui nous revient maintenant de la population tunisienne me démontre que je n'ai pas été assez critique dans mes deux livres pour ce qui était devenu une dictature mafieuse. J'essaie de suivre désormais l'actualité tunisienne sur mon blog: http://nicolasbeau.blogspot que je vais alimenter pendant mes futurs séjours en Tunisie

5. Je ne représente ni la vérité ni le courage, j'ai fait mon métier, et un peu plus quand j'ai
tenté d'aider mes amis tunisiens opposants autrement plus courageux que moi. Ce sont mes collègues qui
étaient en france particulièrement déficitaires dans leur suivi de la Tunisie.
J'attends d'abord de mes rencontres des moments de bonheur après tant d'année d'obscurantisme. Je vais enfin 
pouvoir travailler normalement en interrogeant les citoyens tunisiens, enfin acteurs de leur histoire.

6. La presse partout doit être évidemment indépendante, y compris des nouveaux gouvernants, même si les liens créés
pendant la résistance à l'oppression ont pu créer des solidarités et des amitiés. Sans dout ne faut il pas être 
trop exigeant pour les premières initiatives du pouvoir aujourd'hui en place, car il existe une phase d'apprentissage
du pluralisme démocratique. De ce point de vue, la presse française, globalement inféodée au pouvoir ou 
prenant une posture d'opposant systématique n'est pas un modèle 

7 La presse française a traité le renversement de Ben Ali. Depuis, elle s'est à nouveau assoupie. 
Bien sur, l'actualité égyptienne explique un peu cette indifférence, mais l'essentiel n'est pas là: les dossiers
du monde arabe et méditerranéen ne sont plus suivis à Paris