lundi 14 mars 2011

Slim Bagga, le retour

Saluons la sortie du journal "l'Audace" dans les kiosques de Tunis et le retour de son patron, Slim Bagga à Tunis. Le parcours de ce journaliste, exilé à Paris depuis trop d'années et véritable bète noire du régime Ben Ali, mérite d'être conté.
Pendant quinze ans et avec des bouts de ficelle, Slim publiait régulièrement un magazine, "l'Audace", où bien avant la publication de "la régente de Carthage" ( pour laquelle il nous a beaucoup aidé), il sortait d'innombrables informations sur les frasques de Leila et de son clan. Le mérite de ce journaliste doué, qui aime le verbe et l'info qui dérange, fut aussi d'ouvrir ses colonnes à toutes les sensibilités de l'opposition à Ben Ali, islamistes compris et de dénoncer les atteintes aux droits de l'homme que subissaient les opposants de tous bords. Un bel oecuménisme qui, jamais, n'émousse son sens aigu des rapports de force politiques!
Pour diffuser le millier d'exemplaires de l'Audace, il fallait à Slim beaucoup d'énergie pour en porter des valises entières à ses kiosques préférés, notamment celui qui se trouve sur les Champs Elysées en face du très chic café "le Fouquet's", où s'attablaient régulièrement les mais du régime du président déchu. Et Tous d'acheter, sous le manteau, un ou plusieurs exemplaires de ce brulot qui faisait trembler le Palais de carthage.
Quel courage et quelle obstination il fallut à Slim pour continuer ces publications. Le régime le menaça, le persécuta, lui vola son petit appartement de Sidi Bou Said, le condamna à quarante deux années de prison à travers cinq affaires, dont deux de droit commun. On le vit fiché à Interpol comme représentant de Ben Laden à Paris, ce qui est un comble pour ce musulman bon vivant et joyeux convive qui aime refaire le monde autour d'une bonne bouteille.

On n'imagine pas ce que Slim a du subir, sans même évoquer les maigres revenus dont il disposait pour survivre, heureusement aidé par quelques exilés qui furent ses protecteurs et amis. Le plus dur fut sans doute l'indifférence teinté de mépris de quelques bonnes âmes de la presse française qui regardaient Slim comme un obsessionnel et un marginal qu'il n'était pas de bon ton de piger. Ce qui a été drôle,c'est la façon dont les mêmes se sont précipités, par!s le 14 janvier et le départ de Ben Ali, pour combler le vide de leur documentation et de leur expertise sur la Tunisie.

Mais quel bonheur de voir le régime paranoiaque de Ben Ali obsédé par la publication de ce magazine artisanal qui était LE SEUL véritable éclairage sur la part d'ombre du régime. On vit les ministres de l'Intérieur tunisiens solliciter leurs collègues français pour mettre fin à la publication de l'Audace. On découvrit dans les fameux carnets du général Rondot, où on trouve une formidable mémoire des services français ( y compris sur les comptes japonais d'un certain Jacques Chirac) la trace de ces interventions intempestives. Moi même, alors que je rencontrais Philippe Douste Blazy, alors ministre des affaires étrangères de Chirac, ce dernier m'expliqua le harcèlement qu'il subissait des autorités tunisiennes à propos de l'Audace.

Mais l'Audace survécut, Slim est un entèté. Jusqu'au jour où après l'élection de Sarkozy en 2007, Ben Ali et ses sécuritaires et amis de MAM, arrétèrent toute collaboration en matière de terrorisme. pendant plusieurs mois, plus rien sur les écrans provenant de Tunis sur les djihadistes. Un des grands patrons de l'anti terrorisme français fut dépèché à Tunis, durant l'été 2007, pour essayer de calmer les esprits

Et l'auteur de ce blog reçut la visite d'un grand flic, en septembre 2007, désireux d'en savoir plus sur mes relations avec Slim qui, à l'époque, faute de moyens, était domicilié chez moi. Face à une telle pression, Slim décida de suspendre l'Audace mais de continuer son travail de journalsite à Bakchich et dans d'autres sites d'opposition.

Saluons ce journaliste qui s'apprète à revenir à Tunis, une fois les multiples poursuites judiciares effacées des logiciels du ministère de l'Intérieur tunisien. L'Audace l'a déja précédé dans les kiosques, où le premier numéro a connu un grand succès. Le deuxième numéro est en vente aujourd'hui mardi.