mercredi 1 juin 2011

Lorsque le patron du CSA vantait Ben Ali

Dans un ouvrage très instructif, "Le livre noir du CSA, enquête sur les dérives et les gaspillages du Conseil supérieur de l’audiovisuel", l'auteur, Guillaume Evin, explique comment Anne Meaux, la grande prêtesse de la Com, qui avait hérité du budget de la communication de Ben Ali (pour 15000 euros par mois), usait d'étranges méthodes; Ainsi avait-elle recruté comme collaboratrice, Marie-Luce Skraburski, qui n'était autre que l'épouse de Michel Boyon, patron du CSA. Et c'est ainsi que lors d'un voyage en Tunisie, très peu de temps avant le début de la révolution tunisienne, l'ineffable Boyon bvante les mérites du régime.
On commence efin à comprendre à travers les vacances de MAM et de Longuet ou à travers les petites excursions de Boyon au pays du jasmin (et de la torture) du général Ben Ali, l'image du régime était à ce point tronquée dans la presse et dans les milieux politiques en France.
Le livre d'où est tiré l'extrait ci dessous est paru aux éditions du Moment le 26 juin 2011



Entre gens de bonne compagnie, le conflit d’intérêts n’est du reste jamais très loin. Marie-Luce Skraburski, numéro deux d’Image Sept, est en charge de la communication des présidents africains. Il lui arrive donc souvent de se rendre en Afrique, notamment au Sénégal. Jusque-là, tout est normal. 
Mais le bras droit d’Anne Méaux est aussi la seconde compagne de Michel Boyon. Ils se sont rencontrés à Radio France. Ensuite, Michel Boyon lui a présenté Anne Méaux via leur ami commun, le journaliste-chanteur nationaliste Jean-Pax Méfret. Bref, quand Marie-Luce Skraburski se rend en Tunisie au printemps 2010, elle emmène dans ses bagages celui qui partage sa vie, lequel se fendra sur place d’une interview édifiante à La Presse de Tunisie, le quotidien « étatique » du pays. 
Neuf mois avant la révolution de Jasmin qui emporte le régime de Ben Ali, quelles déclarations Michel Boyon réserve-t-il au journaliste Mohamed Gontara? «Je suis impressionné par le remarquable niveau de développement atteint par la Tunisie. » Le patron du CSA n’a manifestement pas oublié d’emporter avec lui la brosse à reluire. « Ce qui me frappe c’est la manière dont la Tunisie réussit à concilier authenticité et modernité. » Boyon en fait des tonnes, ne reculant devant aucune flagornerie : « Je me félicite du développement des compétences du Conseil supérieur de la communication [l’équivalent du CSA en Tunisie], ainsi que du renforcement du pluralisme dans sa composition. » Puis, sachant toujours jusqu’où aller trop loin, il ajoute : « Les Français [...] soutiennent les efforts de ceux qui, comme la Tunisie sous l’impulsion du président Ben Ali, sont déterminés à lutter contre toute forme de passéisme ou d’obscurantisme qui conduirait à la régression sociale ou culturelle. » Même au printemps 2010, neuf mois avant que le peuple tunisien ne s’éveille, il fallait oser : « La prépondérance de la classe moyenne, le nombre de foyers propriétaires de leur logement, les résultats obtenus dans les domaines de l’éducation et de la santé publique, le renforcement des dispositifs de solidarité sont autant d’atouts pour garantir la stabilité de la Tunisie et son progrès continu. »




Voici ce que Boyon déclarait à la presse tunisienne en 2009

Michel Boyon, président du Conseil supérieur français de l'audiovisuel: «Je suis impressionné par le remarquable niveau de développement atteint par la Tunisie»

• Les Français soutiennent les efforts de ceux qui, comme la Tunisie, sous l'impulsion du Président Ben Ali, sont déterminés à lutter contre toute forme de passéisme ou d'obscurantisme qui conduirait à la régression sociale ou culturelle

• La situation des Tunisiennes est enviée à l’étranger ! C’est l’expression d’un modèle tunisien
• La prépondérance de la classe moyenne, le nombre de foyers propriétaires de leur logement, les résultats obtenus dans les domaines de l’éducation et de la santé publique, le renforcement des dispositifs de solidarité sont autant d’atouts pour garantir la stabilité de la Tunisie et son progrès continu
• Ce qui me frappe, c’est la manière dont la Tunisie réussit à concilier authenticité et modernité
• La Tunisie a un rôle très important à jouer dans le renforcment des relations euro-arabes, en raison de sa situation géographique, de sa contribution constante à la recherche de la paix et de son influence internationale
• Je me félicite du développement des compétences du Conseil Supérieur de la Communication en Tunisie, ainsi que du renforcement du pluralisme dans sa composition

Récemment de passage en Tunisie, Michel Boyon, Président du Conseil Supérieur français de l’Audiovisuel (CSA), a bien voulu répondre à nos questions.

M. Boyon, vous qui suivez de près les transformations que connaît le secteur de l’audiovisuel en France et dans le monde, comment voyez vous l’évolution de ce secteur?

Avec les révolutions technologiques, le monde de l’audiovisuel se transforme à un rythme stupéfiant. Je le rappelle, la mission de la radio et de la télévision, c’est d’informer, de transmettre la connaissance, de divertir. Le progrès rend la télévision accessible à tous. Les particuliers bénéficient de la baisse des prix des équipements domestiques, les procédés de diffusion des images s’améliorent sans cesse, de nouvelles chaînes apparaissent. On peut ainsi mieux répondre aux attentes et aux goûts de chacun. Mais il faut être conscient que certaines chaînes de télévision peuvent porter des messages de haine ou de violence : on ne doit pas rester inerte devant une telle situation. Lutter contre ce danger, qui ne connaît pas les frontières, est une responsabilité collective.
Comment les médias tunisiens pourraient-ils tirer le meilleur parti des nouvelles technologies de l’information?
Les Tunisiens aiment lire et écouter, s’informer et comprendre. La presse écrite, la radio et la télévision sont très présentes, en français, comme en arabe. Elles occupent une grande place dans la vie quotidienne et  l’internet devient quasiment accessible à tous.
Je crois que, comme dans d’autres pays, il faut aller vers ce que l’on appelle le « média global », c’est-à-dire un rapprochement des médias écrits et audiovisuels, une mise en commun de moyens permettant d’ouvrir de nouvelles perspectives professionnelles à celles et ceux qui travaillent dans les médias, mais aussi l’exploitation des potentialités d’internet par les médias classiques.

Quelles sont les relations du Conseil Supérieur de la Communication avec le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel français ?
Ces relations se bâtissent. Elles reposent sur des échanges d’informations, sur des réflexions communes portant sur les sujets les plus variés : le contenu des programmes, la protection de l’enfance et de l’adolescence, les bouleversements technologiques. Je me félicite du développement des compétences du Conseil Supérieur de la Communication de Tunisie, ainsi que du renforcement du pluralisme dans sa composition. Le C.S.C. et le C.S.A. de France ont tous deux la conviction que l’audiovisuel jouera un rôle majeur dans le rapprochement entre les peuples. C’est pourquoi ils se tournent aussi vers les autres institutions comparables. La construction de l’Union pour la Méditerranée - pour laquelle la Tunisie a eu un rôle moteur - est un formidable défi pour l’avenir de tous les pays qui ont en partage cette mer, berceau de nombreuses civilisations. Déjà, on vient de jeter au Caire les bases d’une grande banque de programmes télévisés qui sera alimentée par les pays méditerranéens.

Quelle importance le CSA accorde-t-il à la communication audiovisuelle dirigée vers la communauté maghrébine en France ?
Le C.S.A. y est très attentif. L’intégration réussie est celle qui maintient un lien fort avec la langue, la culture, les traditions du pays d’origine. Nous avons accordé de nombreuses fréquences à des radios de langue arabe ou berbère. Nous avons aussi autorisé la diffusion de chaînes de télévision dont les programmes sont émis dans ces langues.

Comment les Français perçoivent-ils la Tunisie?
Pour beaucoup de Français, le monde arabe est perçu comme un ensemble mystérieux et complexe. Mais ils sont aussi conscients de la nécessité de préserver, de renforcer sa stabilité et ses rapports traditionnels étroits avec l’Europe. La Tunisie a un rôle très important à jouer à cet égard, en raison de sa situation géographique, de sa contribution constante à la recherche de la paix, et de son influence internationale. Elle jouit d’un réel capital de sympathie, d’amitié, et même d’affection en France. S’il subsiste encore certaines incompréhensions, elles sont souvent dues à des idées préconçues. Le renforcement de la coopération entre la Tunisie et la France, la multiplication des échanges dans tous les domaines nous permettront de nous connaître mieux encore, de nous comprendre encore mieux et de contribuer à notre manière à un développement solidaire entre les deux rives de la Méditerranée. Chacun a sa musique à jouer !

Quel message la France essaie-t-elle de communiquer vers le Maghreb ?
C’est un message de paix, de tolérance et de progrès. Un message respectueux des traditions et des valeurs de chaque pays du Maghreb. Il ne s’agit pas d’inciter à copier un quelconque modèle français. Au nom de quoi la France pourrait-elle prétendre imposer tel ou tel système ? Les Français souhaitent ardemment que la  concorde  règne entre les pays du Maghreb. Ils soutiennent les efforts de ceux qui, comme la Tunisie sous l’impulsion du Président Ben Ali, sont déterminés à lutter contre toute forme de passéisme ou d’obscurantisme qui conduirait à la régression sociale ou culturelle.

Comment voyez-vous l’évolution de la Tunisie?
Lors de mes séjours en Tunisie, je suis impressionné, comme toute personne qui se rend dans le pays, par le remarquable niveau de développement atteint ces dernières années. Tout visiteur constate que l’activité économique, la qualité de l’infrastructure et le niveau de vie des citoyens tunisiens progressent à un rythme soutenu. C’est d’autant plus méritoire que le pays n’a que peu de ressources naturelles.  Il compense cette lacune en exploitant, avant tout, sa richesse humaine, en développant ses capacités industrielles, en promouvant des activités de services à forte valeur ajoutée, en accueillant des investissements étrangers productifs, sans oublier bien sûr le socle agro-alimentaire. C’est pourquoi la Tunisie me paraît mieux armée que d’autres, non seulement pour faire face à la crise économique mondiale, mais aussi pour relever les défis du développement durable et de la modernité.

Et comment voyez-vous l’évolution de la société en particulier ?
La prépondérance de la classe moyenne, le nombre de foyers propriétaires de leur logement, les résultats obtenus dans les domaines de l’éducation et de la santé publique, le renforcement des dispositifs de solidarité sont autant d’atouts pour garantir la stabilité de la Tunisie et son progrès continu. Mais le plus spectaculaire tient à la place de la femme tunisienne dans la société. Le pays est à l’avant-garde pour les droits de la femme, ses droits civils et sociaux. Dans les faits, les femmes peuvent exercer toutes les activités, accéder à toutes les responsabilités. La situation des Tunisiennes est enviée à l’étranger ! C’est l’expression d’un modèle tunisien.

Peut-on aussi parler d’un «modèle tunisien» pour le rapprochement culturel entre les nations?
Ce qui me frappe, c’est la manière dont la Tunisie réussit à concilier authenticité et modernité. La modernité s’est parfaitement conciliée avec le respect des grandes valeurs auxquelles le peuple tunisien est profondément attaché. Les innombrables manifestations de l’expression culturelle tunisienne en sont les témoignages. Les multiples initiatives prises dans le pays pour favoriser le dialogue des cultures et des civilisations l’illustre également. De ce point de vue aussi, on peut parler d’un modèle tunisien.

Propos recueillis par Mohamed GONTARA
Source: La Presse
hPosté le mardi 18 août 2009 dans Actu